Ce document est un résumé du rapport final de la recherche DEVOTIC remis à l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) qui en a financé l’intégralité. Coordonné par Francis Jauréguiberry, ce projet a mobilisé une quinzaine de chercheurs appartenant aux laboratoires SET (CNRS – Université de Pau), LISST (CNRS – Université de Toulouse 2), MICA (Université de Bordeaux 3), LCS (Université de Paris 7) et GRICO (Université d’Ottawa). Le projet a commencé octobre 2010 et a duré 48 mois.

Qui se déconnecte volontairement des technologies de communication, pourquoi et comment ?

Cette recherche ne porte pas sur ceux qui utilisent peu ou refusent les technologies de communication. Elle porte au contraire sur ceux qui s’en servent de façon intensive et qui, en raison précisément de cet usage quasi constant, en viennent à adopter une attitude critique face à des effets non voulus et à leurs yeux négatifs, attitude les amenant dans certaines conditions à des pratiques de déconnexions volontaires. Si ces technologies sont en effet synonyme d’immédiateté, de sécurité, d’ouverture et d’évasion, elles le sont aussi d’informations non désirées, d’appels intempestifs, de surcharge de travail, de confusion entre urgence et importance, de nouvelles addictions, de contrôles et de surveillances non autorisés. L’hypothèse autour de laquelle gravite cette recherche est que la déconnexion relève d’une volonté non pas de rejet mais de maîtrise de ces technologies. L’objet de cette recherche est de savoir dans quelles circonstances et pour qui cette volonté de maîtrise se traduit par une déconnexion. Le but est en définitive de dégager une connaissance active des conduites visant à une meilleure maîtrise des flux de communication afin d’éviter les écueils auxquels peut conduire une connexion permanente incontrôlée.

Une mesure quantitative des conduites de déconnexion doublée de plusieurs terrains d’observations qualitatives

La difficulté de cette recherche tenait en ce que les conduites de déconnexion sont très récentes… parce que les technologies de communication prises en compte le sont elles-mêmes (la généralisation  des téléphones portables date de moins de 15 ans, les smartphones sont apparus en 2007 et l’usage des tablettes s’est étendu… pendant notre recherche). Une sociologie très intervenante, au plus près du terrain, a donc été employée pour capter ce qui est en train d’apparaître et de se mettre en place. De plus, comme dans tout phénomène émergeant, il existe potentiellement de grosses différences entre les représentations dont il est l’objet et son effectivité. C’est pourquoi la méthodologie adoptée a été à la fois quantitative (trois enquêtes à grande échelle dont une longitudinale) et qualitative (entretiens approfondis, focus groups, technique des incidents critiques, observation participante, captures d’écrans). Les populations plus particulièrement concernées ont été : les cadres, les chefs d’entreprise, les directeurs de ressources humaines, les universitaires, les étudiants et les voyageurs.

Résultats

Les conduites de déconnexion apparaissent comme une volonté de maîtrise des technologies.  Elles sont toujours ponctuelles et la plupart du temps partielles. Il s’agit de ne pas se laisser envahir  par trop d’informations non désirées, d’échapper à un mode d’interpellations incessantes, à l’urgence  et à la pression managériale, au contrôle hiérarchique ou à l’impression d’être surveillé. La  déconnexion équivaut alors à reprendre souffle et distance. Mais elle est aussi parfaitement révélatrice  de la figure de l’homme hypermoderne qui ne se contente pas du sens du mouvement moderne mais l’interroge au contraire par une réflexivité accrue sur ses choix et dans l’inquiétude qui en résulte.

Pour en savoir plus :

http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/92/53/09/PDF/DEVOTIC.pdf

Le n° 186 de la revue Réseaux (la Découverte, septembre-octobre 2014) intitulé « déconnexions » présente plusieurs des résultats de la recherche DEVOTIC.
avec lien suivant : http://www.cairn.info/revue-reseaux-2014-4.htm